Comment se fait-il qu’un même cancer se comporte de tant de manières différentes? Et nous, les oncologues, comment est-ce qu’on peut décider de la marche à suivre quand nous sommes en face d’un cancer agressif ? La bonne thérapie pour le bon patient… mais comment?
Un diagnostic de cancer de la prostate, c’est un peu comme une sinistre partie de pile ou face. Pile, le cancer est indolent et le patient peut vivre avec, même sans traitement et pendant très longtemps. Face, le cancer est agressif, ne répond pas aux traitements (même s’ils sont multiples et intenses) et le patient décède au bout de quelques années. Et toutes les variantes entre ces deux extrêmes sont possibles. Bien sûr, les médecins peuvent différencier les formes de cancers plus agressives des indolentes pour conseiller le patient dans son choix de thérapie. Mais comment se fait-il qu’un même cancer se comporte de tant de manières différentes? Et nous, les oncologues, comment est-ce qu’on peut décider de la marche à suivre quand nous sommes en face d’un cancer agressif ?
Bien que « le cancer » soit souvent utilisé au sens large et au singulier pour décrire l’ensemble des cancers, il est maintenant reconnu que nous devrions plutôt parler « des cancers ». Premièrement, la sensibilité des cancers aux thérapies varie selon l’origine des cancers i.e. selon l’organe dans lequel les cancers se développent initialement (cancer du sein vs cancer de la prostate). Il faut donc adapter le traitement à l’origine du cancer.
Deuxièmement, le comportement des cancers varie énormément d’un individu à l’autre selon la génétique propre à chaque individu et selon des facteurs environnementaux comme les habitudes de vie.
Troisièmement, il faut comprendre que chez un même individu, la sensibilité des cancers à un traitement évolue dans le temps : les cellules se modifient pour devenir résistantes aux traitements et à notre système immunitaire, un phénomène appelé « plasticité ». Lorsqu’on parle des cancers de la prostate, nous savons qu’il y a même parfois plusieurs cancers de la prostate au sein d’un même individu avec des réponses distinctes aux traitements. C’est ce qu’on appelle la polyclonalité et l’hétérogénéité.
Cela complique grandement le choix des médecins pour décider du meilleur traitement à administrer à un patient car la sensibilité des cancers à un traitement spécifique est difficile à prédire. On peut administrer plus d’un traitement en même temps (ex. : à la fois hormonothérapie et chimiothérapie) afin de cibler un maximum de cellules cancéreuses mais cela est souvent au prix d’effets secondaires augmentés. L’idéal serait de savoir quel traitement va fonctionner grâce à des biomarqueurs. La manière classique de procéder est de prendre un fragment de tissu des cancers (une biopsie) afin de l’analyser et de choisir une thérapie en fonction des caractéristiques de la tumeur. Mais comme un même patient peut avoir plusieurs types de cellules cancéreuses de la prostate différentes, rien ne nous dit que la biopsie est représentative de toutes les cellules. Ainsi, jusqu’à récemment, les biomarqueurs issus de biopsies ne se sont pas avérés être suffisamment précis pour être utilisé en clinique.
Il faut donc trouver une nouvelle approche qui permette d’évaluer toutes les métastases en même temps et nous faisons justement partie d’une équipe de recherche qui travaille sur une nouvelle stratégie contre le cancer : la «théranostique». Celle-ci allie l’imagerie moléculaire à la thérapie à «radioligand», qui utilise des molécules radioactives qui vont se coller spécifiquement sur les tumeurs.
L’imagerie moléculaire permet de voir spécifiquement les métastases des cancers de la prostate en injectant au patient un traceur radioactif qui va s’attacher à une protéine fortement exprimée dans ces cancers, la PSMA (Prostate Specific Membrane Antigen). Une fois liée au PSMA, le traceur radioactif (ou ligand PSMA) émettra des photons qui seront détectés grâce à une technologie disponible en clinique, la tomographie par émission de positron (Figure 1). Des images de tout le corps du patient seront alors générées.
Cela permet de visualiser avec plus de précision les métastases et de détecter si elles expriment la protéine PSMA. Par la suite, le traceur est modifié par des techniques de radiochimie de manière à garder la partie qui s’attache à la tumeur (ligand) mais en remplaçant la partie «traceur» par une molécule radioactive très puissante (comme le lutécium-177) qui sera toxique pour la tumeur. Ainsi, le ligand deviendra une tête chercheuse qui se liera à la protéine PSMA des cellules cancéreuses prostatiques livrant ainsi spécifiquement du lutécium radioactif à proximité, comme une bombe sur les métastases.
Ce type de thérapie s’est avérée très puissant pour traiter le cancer de la prostate métastatique en recherche clinique. Chez des patients traités préalablement par deux ou trois traitements hormonaux ou de la chimiothérapie, plus de la moitié des patients ont répondu au radioligand ce qui est exceptionnel. De plus, en imageant chaque patient avec le traceur PSMA avant de le traiter avec le ligand, il est possible de savoir si toutes les métastases seront ciblées par les ligands PSMA au lutécium. Dans le cas où certaines métastases n’exprimeraient pas le PSMA à l’imagerie, le patient pourrait être réorienté vers d’autres thérapies.
Au Québec, nous avons débuté des études cliniques utilisant ces approches et nous avons traité plusieurs patients dans le cadre de protocoles de recherche. Grâce à une collaboration de quatre universités (Université Laval, Université de Montréal, Université de Sherbrooke et Université McGill, subventionné par l’initiative Oncopole et le Fond de Recherche en Santé Québec), nous développons aussi de nouvelles approches d’imagerie moléculaire pour mieux identifier les patients candidats à une thérapie à radioligands avec la ferme intention d’offrir ces traitements à plus grand échelle dans un proche avenir pour nos patients.
Ce texte a été rédigé dans le cadre d’une campagne de sensibilisation à la recherche clinique par des médecins professionnels.
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