Nous sommes un couple très uni et nous avons toujours cru qu’il fallait discuter des questions importantes, intimité incluse. Mais pour moi cette expérience était très différente. Pourquoi accabler mon conjoint avec mes préoccupations alors qu’il était atteint d’un cancer et que sa vie était bouleversée? Ma plus grande crainte était de le blesser sans le vouloir.
Les semaines précédant l’opération, j’ai refoulé mes émotions, espérant ainsi lui épargner mes angoisses. J’essayais de deviner ses peurs et ses préoccupations, mais mon silence exerçait sur nous une réelle tension. Il m’isolait et je m’éloignais de mon mari. Je sentais que nous avions besoin de parler. J’ai appris avec soulagement que Ben était prêt à discuter de sa maladie et qu’il voulait savoir ce qui me préoccupait. Il avait choisi la chirurgie radicale comme traitement.
Nous avons commencé à examiner sereinement les répercussions émotives et physiques de cette expérience et les effets secondaires qui affectaient Ben. L’intimité physique n’était plus une pratique familière et confortable. L’élément réconfortant de notre relation était en jeu. C’était notre façon d’exprimer notre amour de la vie. Je voulais préserver ce sentiment. Une fois de plus, je me suis surprise à censurer mes pensées et mes sentiments. Je sentais que mon partenaire se sentait fragile et vulnérable. Il avait vécu une si dure épreuve.
Je me souviens d’avoir connu des moments de tristesse en pensant à ce que nous avions perdu et à notre avenir qui allait être modifié. À cela s’ajoutait la crainte d’être incapable de recréer un nouvel équilibre. Il est devenu évident que toutes ces questions, émotives et sexuelles, ne pouvaient être résolues qu’avec le dialogue. Nous sommes ainsi parvenus à nous entraider, à nous encourager mutuellement et à partager nos craintes et nos frustrations.
J’aimerais vous faire part de certains éléments qui ont contribué à nous mettre dans la bonne voie:
Vous devez comprendre que le processus de guérison est long. Les changements physiques suite à la chirurgie peuvent se manifester pendant deux ans ou plus. Mentalement, les conjoints ont besoin de cette période pour s’adapter à ces changements. En l’absence de réponses claires concernant son avenir, le couple doit apprendre à vivre dans l’incertitude. Chaque couple a besoin de retrouver un équilibre qui lui est propre.
Nos conversations nous ont permis de nous entraider et de résoudre certains problèmes au fur et à mesure qu’ils se présentaient. Nous ne contrôlons pas les manifestations physiques, mais nous pouvons contrôler nos interactions et le climat émotif. La douceur est tellement importante. Les conversations que nous avions en prenant un verre de vin nous permettaient de nous détendre et de mieux comprendre nos réactions respectives. Ce n’était pas toujours facile de trouver le courage de parler de notre situation et de ce qui ne fonctionnait pas, dans le but d’examiner les autres options.
Voici quelques questions qui ont entraîné des discussions:
Comment te sens-tu et que penses-tu de tous ces changements? Qu’est-ce qui est le plus difficile pour toi? Qu’est-ce qui t’aide à passer au travers? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas? Qu’est-ce qui a été le plus frustrant ou le plus difficile? Comment est-ce que je peux t’aider? J’ai souvent été surprise de ses réponses, ce qui prouve que même en étant très près de mon conjoint, je ne pouvais jamais être sûre de ses sentiments.
Trois mois après l’opération, nous avons consulté des professionnels de la santé pour examiner les choix thérapeutiques au sujet de la dysfonction érectile. En lisant des rapports à ce sujet, nous avons souvent constaté que les gens attendent un an avant de consulter un spécialiste. Cette initiative nous a certainement aidé à aller de l’avant et à réduire le sentiment de frustration lié à la passivité. Je sentais qu’il valait mieux ne pas avoir d’attentes. Que l’érection soit possible ou pas, nous devions tous les deux l’accepter, sans porter de jugement, sans attentes et sans constat d’échec, c’est tout. Nous devions prendre le temps d’apprécier la présence de l’autre et explorer de nouvelles façons de se donner du plaisir. En deux ans, les changements sont nombreux. C’est une période durant laquelle le couple doit repérer les virages parfois subtils, mais non moins importants.
En terminant, je peux affirmer ceci: même si la chirurgie ne dure que trois heures, le processus de guérison, tant physique qu’émotif, s’étale sur deux ans. Je regarde souvent sa longue cicatrice et je me dis: « Ce n’était pas un rêve. ». Je suis profondément rassurée de constater que nous avons bien tenu le coup. Cette route difficile a été parsemée de larmes et d’angoisses, mais nous avons gardé un bon sens de l’humour qui nous a sauvés à de nombreuses reprises. Aujourd’hui, je suis heureuse que mon mari soit vivant et plein d’énergie. En effet, la passion et, par-dessus tout, la qualité de vie peuvent survivre à un cancer de la prostate. Nous avons l’intention de vivre ensemble longtemps.
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