Anxiété et cancer de la prostate
Texte par deliriumlapointe*
Je vais faire un petit saut en arrière de cinq ans, si tu me le permets. Le pronostic n’était pas bon… vraiment pas bon. Je passais des examens mensuellement et parfois hebdomadairement. Mon suivi était serré. Autant moi que mon médecin, chaque mois, nous nous attendions que le couperet tombe.
Et comme le chien de Pavlov qui bavait d’anticipation au son de la cloche, mon cerveau bavait d’anticipation à chaque annonce de nouveaux examens ; à la différence que mon cerveau n’anticipait pas de bonnes croquettes, mais plutôt de mauvaises nouvelles. Plus les mois passaient, plus la panique d’une mort annoncée s’estompait. Il en aurait été de même pour le chien de Pavlov si la croquette avait arrêté d’être disponible après chaque son de cloque. De bonne nouvelle en bonne nouvelle, mon cerveau a fini par se dire « fuck, je m’inquiète pour rien moi-là ».
Par contre, le côté bizarre et pervers de cette situation était que mon cerveau ne faisait pas de l’anticipation les jours précédant l’annonce des résultats, mais bien les jours précédant les examens. Oui, certes, il y avait un petit stress accompagné aux résultats, mais les quelques jours avant les examens, il y avait toujours le « ils vont trouver quelque chose, je le sais ». Puis, à la fin de ma journée intense d’examen, je prenais place dans ma voiture, je m’allumais une cigarette et je braillais un coup… puis c’était terminé. Comme si mon cerveau se disait « bon, les examens sont faits, pour les résultats, je n’y peux rien, je lâche prise ».
Cette petite routine d’anticipation, stress, soulagement dura pendant les premières deux années, puis avec le temps, cet effet Pavlovienne s’est estompé jusqu’à disparaitre complètement.
Pis là… six ans plus tard, out of nowhere, deux jours avant mes examens… PAFFF!!! la crise de panique. Pis une solide à part ça.
J’arrive au CHUM, les yeux bouffis, le doute dans mon cœur et la certitude dans mon cerveau. La première heure passe et je rencontre un acolyte de Saad, les infirmières du centre de recherches, puis je donne de mon sang. Mon cerveau est encore en mode « appréhension ». Vous essayez de me bluffer avec vos résultats d’il y a quatre mois, se dit mon cerveau. Moi, je sais que mon cas s’est aggravé depuis, continue-t-il sans broncher. Mon corps est métastasé et vous, vous êtes insensibles à mes inquiétudes, renchérit-il. Ma diarrhée verbale interne était sans limites et une chance qu’elle était interne parce qu’on m’aurait attaché ou médicamenté pour sûr.
En après-midi, je passe ma tomodensitométrie pour mes organes, puis la scintigraphie pour les os. Aussitôt le dernier cliché complété, mon cerveau se calme. Le calme plat. La sérénité totale. Pourtant, je n’ai pas plus de réponses. Je n’aurai pas de résultats avant au moins deux semaines. C’est comme si mon cerveau s’était dit ; bon, les examens sont faits, je n’ai plus le contrôle de la situation (comme s’il avait déjà eu le contrôle), je m’abandonne à mon sort.
Le cerveau est vraiment un drôle d’organe…
*Texte repris intégralement du blogue Vivre ma Mort / Vivre ma Vie avec la permission de l’auteur, deliriumlapointe, un jeune Québécois de 46 ans à qui l’on ne donnait que peu de temps à vivre lors de son diagnostic de cancer de la prostate il y a 6 ans. Humour, passion et émotion sont les traits marquants de son blogue et Voir la vie sous un nouvel œil depuis mes 46 ans, un témoignage en continu d’un homme qui nous permet de vivre sa réalité.
Publication originale le 11 mai 2018. Vous pouvez accéder à ce blogue en cliquant ici
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